Fenêtre sur rue.

Publié le par Jayos

Cher Demoiselle,

 

Je ne connais pas votre nom, vous ne connaissez pas le mien : nous ne nous sommes jamais rencontrés (même si, la suite vous le dira, ce n’eût pas été pour me déplaire).

 

Etant à ce moment là sous les drapeaux mais déjà dans la police. Par une belle après midi ensoleillée, je patrouillais avec mon chef. Jeune, sympa, très professionnel, il se jetait, comme la misère sur le bas peuple, sur tout ce qui lui semblait suspect de près ou de loin. Il faut dire que,  le pauvre, on l’empêchait de prendre l’air en permanence et, lorsqu’une occasion (bien trop rare à son goût) se présentait, il s’en donnait à cœur joie.

 

Nous étions donc dans une rue piétonne très fréquentée, affairés à contrôler un scooter. Il faisait beau, les riverains avaient ouvert leurs fenêtres. Lorsque tout à coup, j’ai entendu un cri en provenance de l’une d’elles. Mon sang de jeune chevalier sans peur et sans reproche refoulé n’a fait qu’un tour et l’espace d’un instant, j’ai voulu me précipiter au secours de la damoiselle en détresse.

 

L’espace d’un instant seulement, car dès le deuxième cri, j’ai très vite compris que ce n’était pas les secours qu’elle appelait. Elle n’appelait d’ailleurs personne mais manifestait, un peu bruyamment il faut bien l’avouer, son contentement de se trouver en charmante compagnie.

 

N’y prêtant aucune attention, je me suis tourné vers mon chef, qui, toujours extrêmement professionnel, faisait le tour de la pétrolette avec l’œil de l’aigle en chasse. L’incident eût pu être clos si vous, chère demoiselle, (car, oui, c’est bien de vous qu’il s’agît ne faites pas l’innocente) n’aviez la ferme intention de faire connaître la chance qui était la vôtre à tout vos voisins. Voir peut-être à toute la rue. Si je dis à toute la ville j’exagère mais la rue, même entière, me parait restreinte.

 

Le jeune « Hell’s Angel » (je devais bien avoir quatre ans de plus que lui alors respect !) me regarda alors en souriant légèrement. Mon chef n’ayant toujours rien remarqué, je me suis courageusement empressé de détourner le regard et de me mettre en chasse du rictus qui déformait ma bouche. Il faut que je vous l’avoue, je suis un piètre chasseur.

 

L’incident eût pu être à nouveau clos si, me tirant par la manche, une vieille dame ne m’avait dit : « Dites donc, vous croyez pas qu’elle a besoin d’aide ? Faudrait peut-être y aller ? » Vous ne pouvez imaginer, chère demoiselle, la torture que vous m’avez infligé sans même en avoir conscience. Je ne sais par quel miracle j’ai pu répondre sans exploser de rire que vous sembliez très bien vous en sortir et que notre aide eût été superflue.

 

Une fois le contrôle terminé, comme on dit dans la police, nous avons plié les gaules (sans mauvais jeu de mot) et sommes repartis à la chasse au gredin. Extasié par la maîtrise de mon chef, je n’ai pu m’empêcher de lui demander comment il avait fait pour ne pas rire en entendant vos cris.

 

-         Quels cris ? m’a-t-il répondu.

 

Bien à vous, chère demoiselle. Puissiez vous faire un heureux.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article