Mal de diction.

Publié le par Jayos

Mes chers Popipètes,

 

Vous ne connaissez pas mon nom, mais moi je connais bien le vôtre. Nous nous sommes rencontrés à de nombreuses reprises mais c’est la première qui fut la plus mémorable. J’étais à ce moment là gracieusement exploité … employé, on va dire, par l’Etat au titre d’emploi jeune : Adjoint de Sécurité. J’arrivais dans une nouvelle brigade et j’ai eu droit à un bizutage pour le moins original. A mi-chemin entre une sortie au zoo et une visite à la famille Adams.

 

Il arrive parfois, par le plus cruel des destins que certaines familles ne s’ouvrent pas sur le monde extérieur. Il en résulte, dans le cas qui nous intéresse (le vôtre donc), un défaut de prononciation congénital fruit d’une très longue et très rigoureuse série d’unions consanguines (je sais que vous ne comprenez pas tous les mots que j’emploie mais je vous jure que c’est comme ça que ça s’appelle). « Popipète », résume assez fidèlement ce que peut comprendre l’auditeur non averti (ce que j’étais) d’une passionnante discussion avec un digne représentant de votre clan familial.

 

C’était un dimanche matin, il me semble, et il pleuvait à torrent. Je tournais avec le chef et un autre collègue, que j’appréciais tout particulièrement pour son sens de l’humour et ses immenses qualités professionnelles, qui lui conduisait. En gros, je me retrouvais en « sac de sable » comme on dit dans la police (passager arrière). Apparemment par hasard, nous avons tourné dans une rue et j’ai constaté que la deuxième voiture de patrouille se trouvait à dix mètres devant nous (normalement, en bon policier, j’aurais du la remarquer bien avant, la rue étant à sens unique, les collègues venaient d’y entrer. Comme quoi, quand on est pas doué pour l’observation on se fait avoir).

 

Innocemment, nous nous arrêtons devant une maison que j’ai tout d’abord cru en ruine devant laquelle était garées deux Renault 12 (à ce moment là ce n’était plus du tout à la mode. Je me souviens que mon père en avait une quand j’étais petit, et il me semble que déjà à l’époque ce n’était plus à la mode). Les collègues coupent les moteurs des voitures et attendent. C’est à ce moment que vous êtes sortis de chez vous. Pour voir ce qui se passait. Nous sommes donc descendus de voiture. Et là franchement, je me croyais sur une autre planète.

 

C’était la cour des miracles. Toute une ribambelle de jeunes hommes, pieds nus, en pyjamas, sous la pluie et dans la boue. Je ne comprenais pas un traître mot de ce qu’ils disaient et je ne comprenais pas non plus mes collègues qui leurs répondaient dans la même langue. Il courraient partout, s’agitaient, s’énervaient tout seuls, gesticulaient à qui mieux mieux, tout ça sous une pluie battante avec de la gadoue jusqu’aux chevilles. Mentalement, j’ai accordé une mention spéciale à celui qui portait une toque en fourrure à queue de raton laveur, façon Davy Crockett, pour l’originalité du costume et parce qu’il était le seul que je pouvait à peu près comprendre.

 

Mon chauffeur se tourne vers moi et me lance :

 

-         Je te parie une bière que je le fais passer sous la bagnole.

-         Tenu !

 

Ca m’a coûté une bière. Il a lancé bien fort qu’on nous avait signalé une bombe sous l’une des Renault 12. Je crois que Davy Crockett a rampé dessous au moins dix fois pour la trouver. Certes, ce n’était pas très gentil. On peut même dire que c’était cruel mais j’ai rarement autant ri de ma vie.

Quoique vous puissiez en avoir l’air, vous n’êtes pas exactement des saints mes chers Popipètes, en tout cas pas tout à fait des enfants de cœur mais soit par bêtise, soit par manque de volonté de nuire vous ne serez jamais des bandits de haut vol.

 

Bien à vous quand même, tiens !

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