La Parole est d'argent...

Publié le par Jayos

Cher monsieur,

 

Je ne connais pas votre nom, vous ne connaissez pas le mien. Nous ne nous sommes jamais rencontrés. J’ai cependant entendu parler de vous par l’un de mes collègues au cours d’une histoire que j’ai trouvée fort édifiante.

 

Mon collègue, tout comme moi, a effectué son service national dans la police, en tant que Policier Auxiliaire. Contrairement à moi, il était affecté dans un aéroport. Un jour, qu’il était en patrouille pédestre dans les bâtiments, son collègue et accompagnateur, qui, lui, était un Gardien de la Paix, l’a laissé quelques minutes pour s’acheter un journal.

 

Mon collègue a vu un homme qui lui a semblé très étrange. Tout d’abord parce qu’il tentait (au combien vainement il faut le préciser) de le regarder sans le montrer. Et ensuite parce que, malgré une température tout à fait convenable, il transpirait abondamment.

 

Se sachant épié, mon collègue le regarda à son tour directement, sans chercher à se dissimuler le moins du monde. L’homme, apparemment pris de panique, plongea une main dans le sac qu’il portait dans les bras et s’avança vers mon collègue. Celui-ci, pris au dépourvu et quelque peu alarmé par l’air volontaire du sieur, écouta son instinct. Il lui écrasa son coude sur le coin de la trogne en y mettant toute son énergie.

 

K.O technique, bras en croix et attroupement, voilà ce que trouva l’accompagnateur, lorsqu’il revint la gueule enfarinée et le journal à la main. Le sac de l’homme, contenait un pistolet. Un beau, un tout neuf, un du genre à vous arracher la moitié du brushing sans faire d’effort particulier. Le propriétaire du pistolet était recherché par la D.S.T. pour une sombre histoire dont je n’ai pas eu les détails. Mon collègue non plus d’ailleurs mais les histoires concernant la Sécurité du Territoire ont toujours une dimension obscure et peu ragoûtante.

 

Joli coup de filet donc ! Mon collègue fut félicité, récompensé, félicité à nouveau et on le fît monter en grade (ce qui pour un P.A. se borne à lui octroyer une petite rallonge d’argent de poche).

 

Vous étiez préfet à cette époque. Peut-être l’êtes vous toujours d’ailleurs. Et vous êtes venu vous-même le féliciter. Serrage de louche. « C’est bien gamin continue comme ça ». La routine quoi. Mis à part que vous lui avez demandé de vous raconter comment les choses s’étaient déroulées. Et qu’il a eu le tord de vous dire ce qu’il pensait.

 

« Mieux vaut faire le boucher que le veau » : ce sont ses propres dires. J’imagine qu’il a du vous expliquer à peu près la même chose avec un langage un peu plus fleuri, vous étiez tout de même le préfet. Il ne savait absolument pas à qui il avait affaire. Une main qui disparaît alors que quelqu’un s’approche est un synonyme de danger. Je ne pense pas que ce genre de considération vous soit familière d’une quelconque façon. Il a écouté son instinct, préférant prendre les devants, au risque de faire une erreur, plutôt que d’imposer à ses collègues le triste devoir d’informer sa famille.

 

Mais voilà, on ne parle pas ainsi à un préfet. On n’explique pas à un préfet la triste réalité du métier. On ne montre pas à un préfet qu’un policier n’est qu’un humain. Capable d’erreur, capable de peur et qui ne s’en tire sans problème que par un formidable coup de chance.

 

Donc mon collègue, sitôt gradé, fût dégradé. Histoire de lui apprendre comment qu’on cause quand qu’on est dans l’beau monde.

 

Conclusion, Monsieur, vous lui avez appris que, certes, la parole est d’argent mais le silence est d’or. Cette leçon valait elle un fromage ? Je n’en sais rien. Elle valait apparemment un petit grade de rien repris un gamin loin de chez lui.

 

Bien à vous, monsieur, je vous prie de croire que cette phrase n’est que pure formule de politesse et ne reflète en rien le fond de ma pensée.

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P
<br /> Bonsoir Jayos,<br /> <br /> ça faisait un moment que je n'étais pas venu sur ton blog, et c'est encore un réel plaisir de te lire.<br /> Tu sais exprimer tellement de choses, seulement avec des mots. ( mais ça je le savais déjà)<br /> <br /> Bonne continuation, et encore une fois, bravo!<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Je suis content de te voir passer ici aussi. Nous reparlerons bientôt.<br /> Bisous!<br /> <br /> <br />
B
<br /> Il est malheureusement de plus en plus de métiers, d'endroits où il vaut mieux fermer sa bouche. Tu connais l'histoire de l'oisillon tombé du nid ?<br /> http://www.youtube.com/watch?v=MFkpWECLW3c<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Oui, je connaissais l'histoire du petit oiseau tombé de son nid. Bah oui, moi aussi j'ai vu le film!<br /> <br /> A bientôt.<br /> <br /> <br />